Billets qui ont 'Wagner, Richard' comme nom propre.

Wörlitz

«On me réveille, on m'emmène, on revient, je me douche, on part à l'opéra, on revient, je me couche, et le lendemain ça recommence.»

En chemin pour Wörlitz, nous nous promenons dans les jardins du château d’Oranienbaum. De grandes serres sont réservées à la culture des orangers et des citroniers. Ces serres sont des granges dont les parois sont composées de petits carreaux vitrés. De grands volets en bois permettent de protéger du froid ou d’un soleil trop fort.

Les jardins de Wörlitz sont des jardins à l’anglaise dont l’art consiste à dérober leurs surprises au promeneur pour les lui présenter au hasard de trouées habilement disposées dans la végétation.
C’est le printemps, il fait frais à l’ombre et chaud au soleil, les rhododendrons et les lilas sont en fleurs (toute la région est couverte de lilas), les couvées des cygnes sont écloses. Des barques passent avec huit ou dix passagers et un seul rameur, musclé. La table est mise, ils déjeunent sur l’eau (apparemment, les participants du colloque Wagner sont en goguette).
Ce paysage serein recélant des trésors est très apaisant, que l’on ait représenté le paradis sous forme de jardin devient une évidence.
(«— Qui eut cru que le paradis se trouvait en Allemagne? — Qui plus est en DDR.»)


Île Rousseau


P. est déçu: les dépliants indiquaient que l’exposition Cranach dans l’une des demeures du château (une demeure de brique ornée d’arêtes blanches soulignant des formes ogivales) commençait aujourd’hui; en fait, l’ouverture (avec cocktail, supposons-nous) a lieu à quatre heures: trop tard, Siegfried commence à cinq heures à trente kilomètres de là.
Nous profitons de la durée ainsi libérée pour déjeuner, le premier vrai repas depuis vingt-quatre heures. La serveuse a l'air enchantée que nous trouvions les plats excellents. Les gens sont généralement très gentils et prévenants, cherchant à comprendre notre sabir qui mélange inconsciemment anglais et allemand (l'allemand me revient plus spontanément que l'anglais, me semble-t-il).

Nous arrivons un peu plus tôt qu'hier pour un Siegfried qui boit des canettes et joue aux jeux vidéos (à Skyrim, nous dit A). Mime joue à Tetris («et il avait du mal», commentaire de la même A.).

Trois Lillets aux fruits des bois.
Nous avons enfin découvert comment dîner après le spectacle: il suffit de descendre sous le théâtre. Saucisse et salade de pommes de terre, un repas plaisant en forme de cliché.

Wittemberg

Le centre commercial à deux pas est fermé (ouverture à sept heures, proclame l'affiche), je parcours la ville à la recherche d'un magasin ouvert. Je trouve une boulangerie salon de thé et achète beurre, confiture, pain (ce sera notre nourriture de base de la semaine, avec les coktails aux entractes).

Nous décidons in extremis d'aller à la messe de l'Ascension à Oranienbaum. Le long de la forêt les pistes cyclables sont envahies de cyclistes avec enfants, fleurs, packs de bière (selon l'âge).
L'église est plutôt laide à l'extérieur, clocher en forme de tour carrée de béton sale, mais l'intérieur peint en jaune clair avec de grandes ouvertures vitrées en petits carreaux violets, roses et mauves est charmant. Nous sommes très peu nombreux, mais je m'étonne qu'il y ait des catholiques ici, sous la double hypothèque du protestantisme et du communisme. Pourtant la communauté semble vivante car les lieux de culte sont étonnamment nombreux, je dirais presque plus nombreux qu'en France en proportion de la population baptisée catholique (enfin, ce n'est qu'hypothèse de ma part).
Pendant toute la liturgie nous nous débattons avec le livre de chants (avec variations d'un land à l'autre, apparemment). Chantent-ils très faux, ai-je l'oreille peu entraînée? Bien qu'ayant compris le système de numérotation des chants, je ne reconnais les paroles qu'à quatre ou cinq syllables de la fin à chaque fois.
Le prêtre sort seul tandis que les paroissiens restent calmement assis pour se lever une fois qu'il est en place pour saluer chacun à la porte. Avec cette méthode, nous ne coupons pas aux explications. Le prêtre parle un peu, très peu, français, mais les phrases qu'ils prononcent sont fluides. Il parle très bien hollandais et polonais, nous dit-il; il a autrefois parcouru l'Ile-de-France à vélo en dormant à la belle étoile.
Il part faire une conférence à Wörlitz sur la Bible et voudrait bien nous y entraîner, mais «Meine Tochter wartet auf uns».

Sur la suggestion de JY nous passons l'après-midi à Wittemberg, lieu des 96 propositions de Luther. L'anniversaire (30 octobre 1517) aura lieu dans deux ans et tout ce qui concerne Luther, maison, église, université, est en travaux.
La ville est magnifiquement restaurée, pimpante et colorée. Nous découvrons tout d'abord une plaque nous apprenant que Lessing a fait ses études ici, mais bientôt, nous nous apercevrons qu'une maison sur dix ou sur huit a sa plaque, la plupart de théologiens inconnus, mais également des noms très connus, à croire que tout le monde est venu un jour à Wittemberg: le maréchal Ney et Napoléon, Gorky, Schiller, Pierre le grand, Giordano Bruno… Cranach y a sa pharmacie et une plaque affirme que Faust pourrait avoir habité telle maison.



Des Allemands nous arrêtent pour nous demander d'où nous venons, ce que nous pensons de la ville. Nous essayons de transmettre un peu de notre ravissement.

Au dos du retable de Cranach se trouve une étrange représentation de serpent sur la croix, représentation que je retrouve sur une autre tableau d'une présentation de Jésus au temple (une carte postale m'apprendra plus tard qu'il s'agit d'un tableau de Peter Spitzer, Darbringung im Tempel). J'interroge mes amis FB (pensant qu'ils ont plus de facilité à chercher que moi sur mon téléphone) et apprends qu'il s'agit de la représentation du serpent d'airain de Moïse préfigurant le rachat de l'humanité par le Christ ainsi que la continuité entre l'ancienne Loi et la nouvelle. Ce symbole aurait été couramment utilisé au Moyen-Âge, c'était la première fois que je le voyais. (Merci à ceux qui se reconnaîtront).

Parenthèse vétérinaire: pendant le déjeuner, et pour une raison que j'ai oubliée, A. nous a fait un cours sur les haras nationaux : le Percheron est le cheval de trait le plus exporté au monde tandis que le mulassier poitevin et le xx (j'ai oublié) sont en voie de disparition.
Les haras nationaux ont été créés sous Louis XIII, le but était d'élever des chevaux d'apparat ou de chasse français pour l'aristocratie (les paysans, ces rustres, ne se préoccupaient que de chevaux de trait et tous les beaux chevaux étaient importés d'Espagne, ce qui revenait extrêmement cher à l'économie nationale).
Les résultats en furent médiocres car la jumenterie était pauvre: «en Angleterre, on avait compris qu'il fallait de bonnes juments, mais en France, on considérait que cela n'avait aucune importance, que tous les caractères venaient de l'étalon. C'est Napoléon qui a changé cela.» Je commente à mi-voix qu'avec Joséphine et Marie-Louise, il savait à quoi s'en tenir sur l'importance de l'élément féminin dans la descendance…

Nous partons en retard, en retard.

Nous arrivons après la deuxième sonnerie pour écouter et voir une Walkyrie électrique et multicolore. Cette œuvre me navre profondément.
Lillet aux fruits des bois.
Errance vaine dans Dessau pour trouver un restaurant après le spectacle. Nous nous couchons sans manger — mais sans avoir faim.

De Sulzbach à Dessau

Nuremberg me déçoit. Rien sur Dürer. Je voudrais comprendre le détruit et le reconstruit (à peu près tout), il me faudrait du temps et nous n'en avons pas.
Nous passons à Bayreuth. Jardins, exposition en l'honneur des juifs chassés de l'orchestre durant le nazisme.

Dessau, un Rb&b, une jolie maison. A. et moi partageons la même chambre. Sur un rayon, des livres en allemand d'auteurs français (Balzac, Gide, etc).

Des filles du Rhin tout en blanc, personnages et décors — décors permettant ainsi de devenir des écrans de projection. Voix d'une très grande netteté, quelque chose de ludique dans la diction qui souligne les très nombreuses assonnances.

Dijon deuxième journée

Patrick m'emmène voir "le puits de Moïse", qui est l'inverse d'un puits, puisque c'est un socle.
C'était le socle d'un calvaire haut de sept mètres au milieu de la nécropole des ducs de Bourgogne. Il ne reste que le socle, avec six prophètes : Moïse, David, Jérémie, Zacharie, Isaïe et Daniel. C'est très beau, délicat et plein de force, restauré avec goût, sans couleur criarde comme il aurait pu être tentant de le faire.

A midi nous perdons malheureusement un temps fou dans un restaurant qui m'a attiré par sa déco (des poils de vache). Nous n'en finissons plus d'attendre, c'est mortel.

Siegfried et Le crépuscule des dieux.
Siegfried est celui que je connais le mieux puisque c'est le seul que j'ai vu en entier. L'oiseau est joué et surtout chanté par cinq ou six enfants. C'est charmant et joliment faux (ou comme dirait ma fille, ils chantaient juste chacun séparément), j'espère qu'ils ne se feront pas démolir par la critique (Philippe me dit qu'il a entendu des commentaires du type «C'est un scandale» de la part de critiques "officiels" qui n'avaient peut-être pas tout à fait saisi avant d'être dans la salle que c'était un Ring raccourci). Cela me met en colère, ce n'est tout de même pas la faute des artistes si ces critiques sont inattentifs.

Le Crépuscule me paraît de loin le moins bon des quatre, c'est coupé, très coupé, sans doute trop. C'est dommage, car étant la dernière représentation, c'est celle qui reste en tête. (Conseil: si vous montez une Tétralogie, commencez par travailler Le Crépuscule, il faut qu'il soit parfait, ce sera la dernière impression du spectateur.) Ici, les liens logique du récit ont disparu, il reste un château désert et en ruine, des personnages en pleine décadence, un Wotan en pleine dépression. On ne comprend pas qui est Hagen, on ne comprend pas la fin de Brünnhilde. Ce qui est clair, c'est qu'une page se tourne, ou plutôt, qu'un nouveau livre se commence, lu par un enfant.

Je termine donc par des réserves, mais au global, j'ai pris beaucoup de plaisir aux quatre représentations, et, le plus important pour moi, les enfants aussi (qui ayant lu les livrets et les ayant retenus, commentent les coupes avec des mines de vieux Wagnériens, ce qui me fait beaucoup rire (intérieurement)).

Dijon première journée

Peur que quelque chose foire, que le RER ait un problème, que je perde les billets de train… je les vérifie vingt fois dans mon sac, vingt fois je ne les trouve plus…
— Maman c'est bon, tu les avais il y a trente secondes. Arrête!
Je suis contente qu'ils aient eu envie de venir.

Arrivée à Dijon sous la pluie, je malmène tout le monde pour trouver l'hôtel, en fait c'est tout simple, je ne comprends pas les commentaires de Tripadvisor qui décrivait un chemin compliqué dans la vieille ville.
La chambe est amusante (c'est une "suite"), toute de guingois sous les toits, pas une surface verticale ou horizontale. Un peu dangereux pour les grands.

Crypte de Saint Bénigne. Encore les méfaits de la Révolution. Cela me stupéfiera toujours: quelle somme de haine accumulée, comment ou pourquoi cette rage de destruction? La crypte a été dégagée, des chapiteaux et des pierres remplacées. Difficile de savoir si cela ressemblait vraiment à cela, en tout cas le travail a été effectué avec soin et amour (c'est la même chose).

L'or du Rhin et La Walkyrie. Cela n'a rien à voir avec Reims, ou du moins pas grand chose. La salle est immense (enfin, grande; immense par rapport à Reims), très agréable (je la préfère à l'opéra de Lyon, si noir); il y a beaucoup de monde dont une bonne partie parlant allemand.

Le spectacle est très bon, netteté de la ligne instrumentale qui dialogue avec les chants ou les souligne sans jamais les couvrir; netteté des voix qui articulent, netteté du décor, avec une thématique autour du livre et de l'écrit (le savoir comme trésor?).
Mention spéciale pour Siegmund/Siegfried (Daniel Brenna), Sieglinde (Josefine Weber) et surtout Brünnhilde (Sabine Hogrefe).

Les coupes ne sont pas les mêmes qu'à Reims; j'ai l'impression qu'à Reims le récit, sa cohérence, la cohérence entre les personnages et leurs interactions les uns par rapport aux autres avaient été privilégiés, alors qu'ici ce sont les "blocs" musicaux qui me paraissent mis en avant, en particulier les duos (ou plutôt les dialogues). C'est une option sans doute meilleure d'un point de vue artistique, à condition de connaître les œuvres (donc de ne pas utiliser ce Ring réduit pour découvrir la Tétralogie).

Pour le reste, le contenu du livret provoque toujours en moi la même répulsion. Il faudrait que je lise les livrets pour vérifier mes impressions, mais je suis frappée par la dimension punitive du sexe dans ces opéras, par l'importance de la pulsion de viol: Freia emmenée par les géants, Sieglinde mariée de force, Brünnhilde offerte à l'homme qui passe (avant que la sentence soit "adoucie"), Erda utilisant le mot "contrainte" (problème de traduction? "tu m'as contrainte…"), Brünnhilde parlant d'être "contrainte au plaisir et à l'amour" (demain, j'anticipe)… et cela se reflète dans les paroles de Wotan, qui voit l'acte sexuel comme une flétrissure que l'homme impose à la femme, ce qui suppose qu'il a de lui-même une bien piètre image… Freud était nécessaire de façon urgente.

Mais ce qui me choque le plus, c'est la punition de Brünnhilde: Wotan punit la pitié (après avoir espéré peu de temps avant un enfant libre qui exécute ses désirs sans qu'il intervienne…). Cela n'arrive jamais, je pense, dans la tragédie antique, dans la Bible, dans les mythes, dans les épopées. La pitié est le geste sacré qui est toujours respecté. (J'ai cherché des contre-exemples: Antigone? Mais c'est un devoir de piété qu'accomplit Antigone, piété envers un mort, pas pitié envers un vivant). Sans doute va-t-on argumenter que ce que Wotan punit, c'est la trahison de sa volonté par sa volonté (un double de sa volonté, une autre lui-même). Mais cela veut simplement dire que Wotan punit sa propre pitié. Wotan n'a pas la grandeur qui permet la pitié, il est agité de calculs, il ne vit plus au présent, mais dans un futur qu'il craint et tente de prédire (pour l'éviter ou le faire advenir? Ce n'est pas clair, il y a une pulsion suicidaire chez Wotan, et c'est d'ailleurs ainsi que cela se termine). Qu'est-ce que c'est que ce dieu?

Le vrai dieu, celui qui agit selon ce qui doit être, sans chercher à suivre un plan qui favorise ses propres intérêts, sans chercher à calculer les conséquences, qui réagit spontanément au courage de Siegmund et à sa déclaration d'amour ("garde ton walhala, je n'en veux pas sans Sieglinde") ou qui a pitié de Sieglinde et protége la vie sans défense, c'est Brünnhilde.

Engouement surprise

Tous les matins nous écoutons France Musique dix minutes, entre la maison et la gare du RER.
Ce matin, quelques secondes de Wagner, la chevauchée des Walkyries.

— J'aimerais bien voir ça, j'aime bien Wagner.
— Oui, moi aussi j'aime l'opéra.
— Comment? Ça vous intéresse? Mais j'y vais en octobre, à Dijon, la Tétralogie raccourcie sur un week-end. Vraiment, ça vous intéresse? Mais fallait prévenir!
— On ne peut pas te prévenir, tu ne dis rien.
— Ben oui, j'ai l'habitude que vous vous moquiez de moi. Bon, je vais voir s'il reste une place.
— Deux, et moi?
— Toi tu seras à Lisieux, je te rappelle. Lisieux-Dijon, on fait plus simple sur un week-end.
— Si, c'est faisable, je ne travaille pas le vendredi après-midi.
— Parce que tu as déjà ton emploi du temps de l'année prochaine?

Bref, ils viennent.

=======================
Agenda : premiers pas dans la bibliothèque BOSEB Soulagement : ma bibliographie consiste en des articles et non des livres, c'est plus court (c'est important car les documents sont consultables sur place, et il est difficile pour moi d'être là entre 9h et 19h). J'ai l'impression que ma dissertation risque d'être un exposé des diverses thèses sur le sujet. J'ai sans doute intérêt à l'écrire avant de lire les articles, puis à l'enrichir ensuite, si je veux être un peu personnelle.

Se promener dans les rayonnages est amusant (Eléments d'écriture égyptienne sacrée). A ma table deux dames aux cheveux très blancs copient des lettres sur des feuilles à grands carreaux. De loin cela ressemble un peu à de l'arabe, en plus anguleux. J'aperçois la tranche du manuel qu'elles consultent : c'est de l'akkadien.

Dans l'autre bibliothèque, j'ai emprunté sur le présentatoirs des nouvelles acquisitions un livre au titre irrésistible: Saint Hilaire de Poitiers, théologien de la communion (ce n'est pas la seconde partie que j'aime, mais le nom. Grégoire de Naziance, Isidore de Séville, il y a une vraie jouissance du nom.)

Pot durant l'avant-dernier cours d'allemand.
Hit girls, dont la bande-annonce m'avait plu. Il y a du mou dans le récit, mais on rit. Skylar Astin a un visage sympa mais un nom impossible.
Un fil à la patte par la troupe de théâtre de l'école (sans O. parti à Jambville pour trois jours). ces lycéens sont toujours aussi extraordinaires.

Je lis le livre de Christian Delorme, prêtre en région lyonnaise : L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète.

Dernier jour

Seuls ce matin. Messe de l'Ascension à Saint Marc puis direction le cimetière.
Depuis que H. a changé d'entreprise en 2010, il photographie les tombes pendant ses vacances («je vous jure que c'est vrai, Madame»). Quand il a fini de mitrailler les enfeux (parce que nous nous décomposons moins vite du fait des antibiotiques ingérés (pas uniquement par médicament, surtout par les aliments), des problèmes de place apparaissent dans les cimetières français et nous nous dirigeons vers une solution de type enfeu), je réclame d'aller voir la tombe de Brodsky.
— Je veux voir si ça a changé.
— Ça n'a pas changé : les morts sont toujours morts.

En quoi il se trompe, le rosier a beaucoup grossi entre 2009 et 2013. Et le nom de Brodsky a été officiellement ajouté au panneau indiquant les tombes célèbres.






Je me rends compte qu'il est enterré dans la parcelle évangélique. Un Russe évangéliste, qu'est-ce à dire?

Nous repassons chez l'imprimeur — dont c'est l'anniversaire. Il nous avoue qu'il choisit ses clients, que lorsqu'un Américain entre en disant «I want», il se trouve souvent que ce qu'il "want" est impossible, Gianni Basso est vraiment désolé.
Quelle tête de mule et quel sentimental.
Bref, nous papotons. Nous lui disons notre surprise et notre gratitude à voir les Vénitiens si serviables (pas souriants, parfois revêches, mais serviables, prêts à aider dans le besoin) devant la foule.
— Nous avons l'habitude. Et puis tout Vénitien est en représentation.
N'empêche. Nous lui expliquons que ce qu'a fait H. ce matin, s'installer en terrasse au Florian non ouvert pendant que les serveurs balayaient, est absolument impossible à Paris.

Après-midi. Je passe les détails. En déambulant le soir, nous passons par hasard près de la statue de Paolo Sarpi que j'ai rencontré le matin dans McCarthy. La coïncidence me fait plaisir car je n'aurais pas osé demander partir à sa recherche.
Devant le casino (là encore, hasard: nous cherchions un traghetto qui n'existe pas ou plus) je photographie la plaque commémorant la mort de Wagner (pour Philippe).

Nous dînons derrière San Giacomo dall Orio. J'observe la façon dont les gondoliers s'aident des jambes pour prendre de l'élan contre les murs. La ville elle-même fait partie du système de propulsion des gondoles. (Plus tôt, sur le vaporetto entre Celestia et Fondamente Nove, j'avais observé deux garçons en double scull sur la lagune. Une envie de bateau ne me quitte plus depuis que je suis ici, avoir ramé à Venise m'a perdue pour les piétons. J'envisage d'apprendre le kayak ou de passer le permis bateau (est-il possible de louer un bateau moteur? est-il possible de ne pas causer d'accident en circulant sur les canaux sans y avoir grandi?). Bref, je rêve.)

Nous rentrons dans la nuit. A toute heure des gens errent, perdus, avec ou sans carte à la main. Les rires des filles se font plus aigus, l'alcool aidant. La marée est haute.

Parsifal

Saississant Parsifal (mise en scène de François Girard), j'ai pensé à la chambre interdite de Barbe-bleue, on patauge dans le sang, les filles-fleurs ont des airs d'héroïnes de manga, la faille s'ouvre sur la lave brûlante d'un volcan?

Il n'y a vraiment que l'opéra pour offrir de telles mises en scène, apocalyptiques. Magique.

«Ici le temps devient espace.» Adrogué.

Pourquoi associe-t-on Nietzsche à Wagner, alors que c'est de Freud qu'il faudrait parler?



Et puis le plaisir des traditions wagnériennes que l'on découvre («en être ou pas»):

— Mais pourquoi ces applaudissements si hésitants à la fin du premier acte? Tout le monde était sous le choc?
— Normalement on n'applaudit pas à la fin de cet acte. Et puis ils se sont souvenus qu'ils n'étaient pas à Bayreuth? (Wagner ne voulait pas que Parsifal soit joué ailleurs qu'à Bayreuth.)

— Il faudrait le voir un Vendredi Saint.
— Il suffit d'aller à Munich.


Plus tard encore, en interrogeant un choriste, nous apprendrons que l'eau était à 23°, ainsi que le prévoient les conventions collectives.


Dans le train du retour, nous apprenons la mort de Tabucchi.

Ring Saga

Tétralogie raccourcie à Reims en un week-end. Très bien. Formidable, émouvant, clair.

Surprise par les livrets que j'avais volontairement omis de lire: quelle confusion, quelle absence de morale, tous les contrats sont rompus, tout est faux, trahi, retourné. Vengeance et malédiction, quête du pouvoir. Tout ce à quoi je suis habituée, et qui finalement vient tout droit du catholicisme, n'est jamais une solution: le renoncement, le pardon, la rédemption par l'amour (non, Brünnhilde n'accomplit pas cela: avant de mourir, elle met le feu au Walhall). A croire que le luthérianisme protège moins bien de l'amoralisme que le catholicisme (omniprésence de la tension sexuelle, tout le temps —tout ce qui est amour-sentiment broyé ou étouffé par le besoin de pouvoir ou de sexe. On est loin de la tragédie grecque (où la tragédie naît de la volonté de respecter des principes, parfois contradictoires, et non de leur bafouement) ou de l'Iliade, sans doute pas très morale non plus (distinction bien-mal, schématiquement), mais attachée à l'honneur, l'amitié, la fraternité, la parole donnée, l'amour). Bizarre, bizarre. Comment un tel livret a-t-il traversé la tête d'un Allemand du XIXe siècle?

Brünnhilde blonde et frêle (enfin, musclée malgré tout, qui porte sa voix avec ses bras). La critique n'a pas toujours été tendre avec Piia Komsi, mais Philippe de l'escalier fait remarquer qu'il s'agit d'un parti pris intéressant (à vrai dire il paraît séduit): une walkyrie différente, la préférée de son père, celle qui désobéit, n'a pas à ressembler aux autres walkyrie. Et puis cette formation orchestrale très légère permet l'intimité, le chant n'a pas à se projeter par-dessus les instruments. Brünnhilde gagne en émotion.

Dans une formation de dix-neuf musiciens, la musique est parfaitement claire, détachée, compréhensible. Vient le moment où je cherche les sous-titres quand personne ne chante. Vient le moment où les chanteurs disparaissent pour ne plus être que leur voix.
Quatre représentations en trois jours, et la troupe est devenue familière, nous retrouvons des visages, des habitudes, il semble que la semaine pourrait se continuer ainsi, entre vieilles connaissances.

Quel froid dans le théâtre. Pas étonnant que les chanteurs soient souffrants.
— La costumière se fournit chez Décathlon.
— Tiens, après les survêtements, c'est cuir. Demain ce sera fourrure.
La flûtiste ne sourit pas beaucoup.
Ils ont dû prendre des cours de judo pour apprendre à tomber, ils vont finir par se faire mal.

— Siegfried est vraiment bon, c'est le meilleur que j'ai entendu.

— Je ne comprends pas. Pourquoi Fricka ne protège pas Sieglund comme elle voulait protéger Freia? C'est pourtant la même violence.
— Oui, mais les liens du mariage sont sacrés.
— Mais un lien ne vaut rien s'il est obtenu par la violence.
— C'est une femme blessée et jalouse.

— Si tu prends du maroille, je change de table.

— Mais tu fais comment?
— Il s'absente souvent pour aller écouter Wagner, pendant ce temps, je mange du maroille.
— D'autres prennent des amants ?
— Ce n'est pas incompatible?
— Le pouvoir aphrodisiaque du maroille?
— Mais enfin, il n'y a pas que le sexe dans la vie!

— Vivant Denon, Point de lendemain. C'est très "in bed with"!

Et puis les faux et le mont du Sinaï.

Wagner c'est… c'est puissant, non ?

Projet : aller voir en groupe Stéphane Bern dans Celles qui aimaient Richard Wagner.

Cosplay: les garçons habillés en Louis II, les filles en Arielle Dombasle.

Si vous voulez participer, laisser un mot dans les commentaires, je vous tiendrai au courant.

des liens

De la musique :
- un blog anglais consacré aux compositeurs français (mais pas que) ;
- un Ring condensé (Saint-Quentin-en-Yveline, pourquoi ne pas faire simple pour une fois?).

Fabrication des sacs d'école Barbie.

Du pétrole :
- un blog
- un livre.

Du tricot :
- je l'ai sans doute déjà posté, mais c'est toujours une surprise ;
- plus sérieux, les points au tricot.


et les archives des télévision américaines du 11, 12, 13 septembre. La première vidéo (par exemple) de la liste nous montre les programmes habituels jusqu'à la vingtième minute, puis les images trop connus et le bavardage des journalistes, commentant sans rien savoir ni comprendre, obligés de meubler l'antenne de paroles qui n'expliquent rien.

Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.